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« Je veux jouer dans la nature ! » Et si tous les enfants pouvaient se reconnecter chaque jour à la nature et s’ils pouvaient prendre le temps de jouer, de chanter, de danser, de grimper en plein air selon leurs envies, qu’est-ce que cela changerait ?

J ’ai reçu sur les réseaux sociaux une invitation à un défi : 1 000 heures par année en nature avec ses enfants, un défi d’envergure pour la majorité des familles. J’étais interpellée… Comment est-ce possible ? Comment avons-nous réussi à nous isoler à ce point de notre environnement, parfois sans même nous en rendre compte ? Au Québec, où je suis actuellement, une préoccupation importante est le déficit en nature des enfants1. Je ne savais même pas que cela portait un nom et encore moins que c’était une réalité, surtout dans ce vaste pays, un des moins peuplés au monde. Cette incompréhension devint rapidement une évidence lorsque j’ai pris conscience que les enfants n’ont plus de place pour le jeu libre, encore moins à l’extérieur.

Nomades sous tente

Nomades, dormant sous tente depuis plus de dix ans, nous ne pouvons plus y échapper, chaque cellule de notre corps appelle ce contact à la terre. Nous vivons en interconnexion avec elle. Chaque geste se déroule à un autre rythme. Notre chez-nous devient le pied d’un grand arbre protecteur, la rivière nous apporte l’eau courante et la voûte céleste nous protège. La nature et la connexion à la terre sont non seulement devenues un besoin, c’est ce qui nous a portés dans chacun de nos plus grands défis. Même si elle s’est parfois transformée en un univers hostile, la nature était la plupart du temps un appel, un ressourcement et une source d’émerveillement. Elle est toujours ce qui nous ramène à l’équilibre, ce qui nous montre la partie la plus lumineuse de nous-mêmes. Elle peut être intransigeante et pourtant, elle nous berce dans ses bras comme une mère et nous relie à notre étincelle de vie. Nayla, 8 ans, et Fibie, 4 ans, font l’école en plein air. Le plus impressionnant est leur capacité à s’émerveiller au quotidien de tout ce qui les entoure. Elles se relient à la terre pour expérimenter et apprendre et elles ont une fantastique connexion aux animaux sauvages, comme les ours, les loups ou les baleines. Leurs sentiments d’interdépendance et d’appartenance à la nature sont aussi fabuleux. Elles remercient l’arbre qui leur offre de l’ombre et l’embrassent. Elles remercient la rivière qui leur donne de l’eau et un bain, les arbustes qui leur présentent des baies, le vent qui les propulse. Elles portent une véritable gratitude à ce qui les entoure. Nayla avait même remercié le désert de Gobi en Mongolie pour nous avoir laissés le traverser. Et durant des mois, elle avait demandé : « Quand est-ce que l’on retourne dans le Gobi ? » Fibie avait écrit « respecter la nature » avec un bâton brûlé sur une écorce de bouleau. Nayla lisait dans son sac de couchage sous tente lors de son expédition hivernale par – 20 °C. Il n’y a pas de limites à ce que nous pouvons imaginer faire à l’extérieur. Seules nos limites intérieures nous empêchent de vivre cette connexion à la nature, cette connexion à la vie. En coupant nos enfants de la nature, nous renions la vie qui vibre en eux.

Pour comprendre, il faut apprendre avec le corps

Beaucoup de temps en nature aide l’enfant à se développer. Les vibrations et stimulations activent les neurones et illuminent le cerveau de nouvelles voies et possibilités. Le jeu en plein air améliore la fonction des yeux. La nature favorise l’apprentissage de la lecture, améliore la mobilité, le sens du toucher, de l’ouïe, de la vue, du goût et de l’odorat. Elle est apaisante, mais offre aussi des sensations et émotions fortes qui aident l’enfant à se comprendre et à comprendre son univers. Elle le pousse à découvrir toujours plus loin ses capacités physiques et sensorielles, comme une invitation à se mouvoir dans l’espace et le temps. Elle l’invite aussi à prendre des risques, à avancer, à explorer, lui montrant que la vie n’est possible que par cette recherche de déséquilibre et d’équilibre, de risque et de maîtrise. L’éducation ne peut avoir de sens que si elle est connectée à la nature. L’enfant en a besoin pour s’épanouir et pour développer son équilibre physique, psychique, émotionnel, relationnel, mental et spirituel. L’enfant apprend par les sens, par l’expérience et surtout par le jeu libre. « [Les enfants devraient vivre] à l’air, au soleil, dans les champs, dans les bois, en compagnie des chiens et des chevaux, face à face avec la nature qui fortifie les corps des enfants, prête l’intelligence à leur cœur, poétise leur esprit, et leur donne de toutes choses une curiosité plus utile à l’éducation que toutes les grammaires du monde. », écrivait Alexandre Dumas2.

Un bain de forêt

Au Japon, une pratique courante est le bain de forêt : shinrin-yoku. Shinrin en japonais signifie « forêt » et yoku, « bain ». Donc shinrin-yoku signifie : se baigner dans l’atmosphère de la forêt, ou prendre un bain dans la forêt par tous nos sens. C’est laisser la nature entrer en nous, par nos oreilles, nos yeux, notre nez, notre bouche, nos mains et nos pieds. C’est écouter les bruits de la forêt, sentir le parfum des arbres, observer la lumière du soleil jouant à travers les feuilles et respirer l’air frais et pur. Promue par la médecine japonaise, cette pratique a de nombreux bienfaits au niveau physique, physiologique, métabolique et psychique. Ce n’est pas unique au Japon, de nombreuses cultures reconnaissent depuis longtemps l’importance du monde naturel pour la santé. Être dans la nature peut nous revigorer, nous régénérer et nous ressourcer, ainsi que nous relaxer et installer en nous une douce sérénité.

La nature est une source d’émerveillement

Lorsque nous considérons le monde comme acquis, nous perdons notre faculté d’émerveillement. Lorsque nous le recevons comme un cadeau, nous vivons l’émerveillement. C’est donc un choix de chaque instant, qui nous permet de vivre l’extraordinaire dans notre quotidien, de transcender l’ordinaire et de nous sentir pleinement vivants. L’émerveillement est souvent relié à une sensation de gratitude. Les deux augmentent immédiatement notre niveau d’énergie et notre taux vibratoire, nous apportant une sensation de bien-être et de paix intérieure.

S’émerveiller, c’est avoir envie de découvrir, d’explorer, de connaître. La nature est une fabuleuse et constante source d’émerveillement pour chacun d’entre nous, pour nos enfants et aussi pour nourrir la spontanéité et l’innocence de nos enfants intérieurs. Faire un câlin à un arbre, sauter dans une flaque d’eau, mettre les mains dans la boue, trouver des traces d’animaux, goûter à des baies sauvages, bâtir une cabane, tailler un bâton, partir à l’aventure… Chaque petite branche peut devenir l’étincelle d’un nouveau jeu créatif. Il n’y a pas de limites à l’exploration, la créativité, souvent dans une effervescence d’énergie et de joie.

Ce temps passé en pleine nature avec nos enfants est un moyen pour eux d’apprendre à se relier non seulement à la beauté de la Terre, mais aussi de prendre conscience de notre appartenance et interdépendance à ce qui nous entoure. Ils pourront ainsi devenir des gardiens de l’harmonie et de l’équilibre de la planète. De plus, se relier au monde vivant permet de nous réapproprier des choses simples, comme l’observation de la nature et la contemplation. Cette voie peut ouvrir à nos enfants la porte vers la pleine conscience et ainsi, leur apprendre à se relier à leur sagesse intérieure !


1 Voir l’article « Quand la nature fait défaut » p. 32-33. / 2 « De la force physique », Le Mousquetaire n°92, 20 février 1854.

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