Allons bon ! Que se passe-t-il à la rédaction ? Un numéro estival et voilà que l’on s’accorde un peu de légèreté en vous concoctant un dossier sur la sexualité ! Vous pourriez nous dire : « Ce n’est pas un peu facile et racoleur, comme thématique ? » Et nous, de vous répondre : « Pas du tout ! » Parce qu’il ne devrait pas être tabou d’en parler. C’est un sujet qui questionne, à tout âge, et dont nous voulions approfondir les aspects. Et notamment, chez les enfants, la découverte du corps, et les différents surnoms donnés aux organes génitaux, dont les fonctions sont à la fois reproductrices et source de plaisir.

Certain·es d’entre vous pourraient s’exclamer : « Elle n’oserait tout de même pas nous faire une compilation du champ lexical anatomique ! » Non, ne vous inquiétez pas ! Loin de moi l’idée d’en faire un roman, ni de vous conter fleurette sur le sujet. Je n’ai pas non plus le syndrome de la Tourette, où j’alignerais tous les petits surnoms familièrement connus, issus du langage argotique. D’autres avant moi s’y sont adonnés, et nul doute que vous trouverez une littérature foisonnante dédiée.

Sans être grivoise, l’origine de l’attribution d’un « petit nom », pour remplacer le terme anatomique, n’est pas à chercher bien loin : elle en est soit imagée, soit étymologique. Pour exemple, le con provient du latin cunnus (le fourreau) et de cuna (le berceau), et du vieux français connin (le lapin). On lui confère donc toutes les expressions ou tous les synonymes liés à la cavité, au terrier, ainsi qu’à la douceur du pelage. Quant au pénis, l’origine du mot serait un dérivé latin de pendeo (chose qui pend) et verge, une branche. Mais alors, si toutes les analogies se réfèrent à la virilité (testis, en latin, signifie ce qui atteste de la virilité), qu’en est-il du mot « zizi » ?

« J’aurais bien du mal à dire le mot vulve ou pénis à mon enfant ! »

Nombreux parents, par pudeur ou du fait d’une éducation reçue plus ou moins stricte – dans laquelle les contacts physiques et affectueux n’étaient pas ou peu présents, ressentent des difficultés à parler de sexualité avec leur enfant. Armande, maman d’une petite fille de 2 ans, témoigne : « Je n’ai pas de souci avec la nudité. Ma fille et moi prenons régulièrement des bains ensemble, et j’ai toujours nommé les parties de son corps au moment de la laver, et ce, depuis bébé. Pour autant, je n’arrive pas à lui dire le mot sexe, et encore moins vulve. De même, lorsque ses petites lèvres sont toutes irritées, je ne lui dis pas que je vais mettre de la pommade dessus, mais que sa “foufoune” est rouge. Je sais bien que je m’enferme dans un type de vocabulaire un peu puéril, mais je n’arrive pas encore à sauter le pas. »

Il est vrai que le terme sexe renferme plusieurs significations ; à savoir le genre, l’organe génital et l’acte charnel, et parfois, l’association d’idées entre ces deux derniers peut provoquer une sorte de gêne, voire d’inhibition.

Alice, maman d’un garçon de 7 ans raconte : « Je me souviens que, bébé, au moment du change, ou après le bain, mon fils s’amusait à découvrir son corps en tirant sur son pénis. La surprise de pouvoir le tenir, et parfois, d’en voir jaillir un jet de pipi le rendait hilare. Je m’amusais de sa découverte et nous en rigolions tous les deux. En grandissant, mon fils a eu pour habitude de se toucher le pénis plus souvent dans la journée, sans réelle discrétion, au travers de son pantalon, que ce soit à la maison ou dans des lieux publics. Avec mon mari, nous lui avons expliqué que c’était un geste intime, qu’il pouvait continuer si cela lui procurait du plaisir ou un moment de détente, mais qu’il ne devait réserver ces moments qu’à lui seul, dans sa chambre (ou dans la salle de bain). J’avoue que lorsqu’il se masturbait devant la famille ou les amis, cela me mettait mal à l’aise. Nous avons compris, par la suite, que c’était un tic de réassurance ou de réconfort, comme d’autres se touchent les cheveux. C’était principalement lorsqu’il faisait face à une situation qu’il ne maîtrisait pas, lorsqu’il cherchait ses mots, ou pour expliquer un événement. Au moment même où nous lui avons demandé de ne plus se toucher en public, il a commencé à bégayer. Cela a duré quelques mois, puis c’est parti, comme cela était venu. »

C’est souvent le regard extérieur – celui de la famille, des institutions –, qui renforce la gêne ou le côté inhibant de parler de sexualité à son enfant. Alice renchérit : « J’ai lu dans des livres de pédo-psys que donner des noms “mignons” au sexe de l’enfant était dangereux, car cela renforçait la vulnérabilité de l’enfant quant au risque d’attouchements. Je n’en avais pas conscience lorsque je désignais le sexe de mon enfant par le mot “zizi”. Ce surnom nous est venu de suite avec mon mari, à la naissance de notre fils, sans trop savoir pourquoi, certainement empreint de souvenirs de notre propre enfance. Il ne nous serait pas venu à l’esprit de dire sexe ou pénis lorsque nous lui faisions sa toilette. Ce n’est qu’aux alentours de ses 5 ans que j’ai décidé de nommer le “vrai” nom de l’organe génital, en lui montrant des livres documentaires sur le corps humain. À ma grande surprise, il a adoré prononcer le mot pénis, qu’il s’amusait à dire partout haut et fort en présence d’autres adultes, dans les lieux publics. »

Si le langage argotique a vu fleurir quantité de surnoms donnés aux attributs sexuels, le champ lexical enfantin tourne souvent autour des zizi, zézette, foufoune. Ce même vocable se transforme peu à peu au moment de la puberté. Selon les époques générationnelles, il est plus ou moins de bon goût d’utiliser telle ou telle analogie liée à la virilité ou à la pilosité. Les adolescent·es le disent-ils plus pour adhérer à un groupe que par pudeur ? Généralement, la désignation argotique du sexe féminin est peu flatteuse, voire erronée, car seul le vagin est concerné. Ce qui renvoie, bien trop souvent, à une méconnaissance du corps féminin par la gent masculine (les jeunes femmes qui ne se seraient jamais « explorées » n’en font pas exception). Le champ lexical attribué au sexe masculin est, quant à lui, toujours associé à la puissance, au membre en érection. Cette distinction renforce les clichés de supériorité de l’homme sur la femme, tout en y ajoutant une pression sociale, telle une charge mentale, de réussite quant à l’accès au plaisir de son ou sa partenaire. Pour déconstruire tout cela, il est grand temps d’appeler un chat… un chat.

Pour aller plus loin :

Viva la Vulva, Gabi Schweiger, Autriche (2017).

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