
Ce hors-série, qui se veut davantage comme un guide pratique que comme un manifeste en faveur de l’allaitement, n’est pas pour autant dépourvu de l’aspect militant qui nous caractérise à Grandir Autrement.
Aussi, si nous avons essayé de compiler un maximum d’informations et de conseils pratiques sur l’allaitement au fil des pages qui suivent, il nous a semblé important de rappeler et de développer quelques points essentiels dans le choix d’allaiter avant d’entrer dans le vif du sujet, en répondant à cette question, simple en apparence, mais englobant peut-être davantage de perspectives qu’il n’y paraît : pourquoi allaiter ?
La première réponse, celle qui vient souvent d’emblée lorsqu’on (se) pose la question de l’allaitement, est « parce que je veux donner le meilleur à mon enfant. » Le lait maternel est en effet l’aliment qui convient le mieux à un nouveau-né. Il est exactement adapté à ses besoins, sur le plan nutritionnel bien sûr, mais aussi en termes de protection et d’immunité. C’est un argument qui revient souvent en faveur de l’allaitement. Du moins les premiers temps. Après, en revanche, quand il s’agit de poursuivre l’allaitement au-delà de six mois, cet argument semble ne plus avoir le même poids… Comme si un bébé, passé 6 mois (et alors ne parlons pas d’un enfant de 2 ans !), n’avait plus besoin de tout cela. Nous y reviendrons.
Mais d’abord, posons-nous la question : pourquoi faire de l’allaitement une question ? Pourquoi, alors que celui-ci fait intrinsèquement partie de notre condition mammalienne, nous posons-nous la question de savoir si, oui ou non, nous allons allaiter ?
Parce que si, en effet, comme nous l’avons évoqué précédemment, le lait maternel est le meilleur aliment qui soit pour celui ou celle dont la mère produit ce lait, c’est bien parce que nous faisons, nous humains, partie de la classe des mammifères dont une des caractéristiques principales est le fait d’allaiter ses petits.
« Les nouveau-nés nécessitent systématiquement des soins parentaux du fait de leur appareil digestif immature à la naissance (le lait est leur source de nourriture vitale et obligatoire) », peut-on lire, par exemple, sur Wikipédia à l’entrée « Mammifère ». Et là, force est de reconnaître que, parmi les 5507 espèces que recouvre Mammalia, nous sommes bien les seuls à nous poser la question d’allaiter ou pas, ce qui nous fait aujourd’hui nous poser une autre question : « Pourquoi allaiter ? ».
Des humains déshumanisés ?
La lactation est pourtant l’une des phases du cycle reproducteur mammalien, et donc humain, au même titre que la grossesse et l’accouchement. Pour autant, nous arrive-t-il de nous poser la question pour les deux phases précédentes : vais-je faire le choix d’une grossesse telle que la nature l’a prévue (c’est-à-dire en laissant l’embryon puis le fœtus se développer dans mon utérus jusqu’à son terme) ou lui préférer la solution artificielle (une grossesse ex-utéro) ? Vous me direz que cette option n’existe pas (en tout cas pas pour le moment…) et que c’est peut-être la raison pour laquelle la question ne se pose pas. Il est vrai que pour la phase précédente (la procréation), la possibilité d’une assistance médicale existe. La question peut donc se poser. Néanmoins, cette option n’est envisagée que par des couples qui ne peuvent pas faire autrement (infertilité de l’un ou de l’autre partenaire, couples homosexuels, etc.). On ne peut donc pas ici véritablement parler de choix.
Voyons maintenant la phase de l’accouchement, autrement dit celle qui suit la grossesse et précède l’allaitement : là encore, si le « choix » existe (voie basse/voie haute), il n’est en principe réservé qu’à certains cas bien particuliers (impossibilité – avérée ? Pas toujours, malheureusement… – d’un accouchement par voie basse ou problème médical, pour la maman ou pour le bébé, au cours de l’accouchement qui nécessite une césarienne d’urgence.) On sait néanmoins que des césariennes dites de confort sont parfois proposées (pour avoir le choix de la date d’accouchement, pour faciliter le travail des équipes médicales…). Pour autant, même si dans certains pays (comme au Brésil, par exemple, ou c’est une pratique courante) la césarienne est banalisée, et non plus considérée comme un acte médical réservé à certains cas bien spécifiques, on n’en est pas au point de poser systématiquement la question aux futures mères comme on le fait au sujet de l’allaitement.
En effet, quelle mère ne s’est jamais entendu poser la question suivante, alors qu’elle était enceinte ou venait d’accoucher : « Vous comptez l’allaiter ? ». Une question qui pose bien d’emblée la question du choix…
Une question qui n’a pas lieu d’être
Alors la réponse à la question titre de cet article préambule pourrait être : parce que nous sommes des mammifères et que, de ce fait, c’est ce que la nature a prévu pour nous. C’est ce que nous faisons depuis la nuit des temps ; notre espèce n’a pas attendu que les laboratoires mettent sur le marché des substituts de lait maternel pour rendre possible son développement et sa survie. Pas plus que nos lointaines ancêtres n’avaient de cours de préparation à l’accouchement pour réussir à donner naissance à leurs bébés.
Si nous arrêtions de nous poser la question, « vais- je allaiter ? », il est probable que nous n’aurions pas davantage besoin qu’une auxiliaire de puériculture nous explique comment positionner notre bébé pour le faire téter. Les spécialistes de l’allaitement n’auraient à intervenir qu’en cas de difficulté (comme celles évoquées dans la dernière partie de ce hors-série). Et encore, il est fort à parier que, si nous bannissions un certain nombre de perturbateurs de notre environnement, nombre de ces difficultés disparaîtraient. Telle pourrait donc être la première réponse à cette question, qui dirait en même temps que la question n’a pas lieu d’être. Et que peut-être, si nous sommes de plus en nombreux.ses à l’aborder comme telle, elle finirait par ne plus être posée du tout. Et les difficultés que nous rencontrons au cours de nos allaitements seraient probablement bien moindres.
Des réponses sous forme d’arguments pour légitimer l’allaitement
À cela nous pourrions ajouter (car plus nous aurons réfléchi à la question, plus nous aurons d’arguments en faveur de l’allaitement, et plus celui-ci coulera de source et se présentera à nous, non plus comme une option, mais comme une évidence) :
- pour favoriser la création du lien mère-enfant ;
- pour renforcer le sentiment d’empowerment de la mère ;
- pour les nombreux bénéfices de l’allaitement sur la santé (celle de l’enfant, bien sûr, mais aussi celle de la mère et, de ce fait, celle de la société dans son ensemble puisque qui dit réduction des problèmes de santé dit aussi dépenses de santé réduites) ;
- pour préserver nos ressources (l’allaitement ne nécessite ni emballages, ni transport, ni consommation d’eau ou de pétrole, ne génère pas de déchets et n’occasionne pas de gaspillage) ;
- pour entretenir le lien social (parce que non, l’allaitement ne nous coupe pas des autres : rien de plus facile que de sortir avec son bébé allaité puisqu’en effet l’allaitement ne requiert aucun matériel, seuls les seins et les bras maternels sont nécessaires. On peut donc allaiter partout facilement, tout en voyageant léger.)
Enfin, bien sûr, si nous sommes de plus en plus nombreuses à allaiter, et à allaiter longtemps, nous ferons, de facto, évoluer le regard de la société sur l’allaitement. Allaiter (re)deviendra alors la norme et donnera en outre davantage de poids aux autres pratiques de maternage comme le portage, le sommeil partagé, la répondance aux besoins de l’enfant, qui convergent toutes vers la proximité parents-enfant. Autant de pratiques qui pourraient, elles aussi, bénéficier de la normalisation de l’allaitement, avec lequel elles forment un ensemble cohérent, dont chaque action peut légitimer les autres, et vice-versa.
Oui enfin je suis d’accord que l’allaitement est naturel et existe depuis la nuit des temps, sauf que lorsqu’on travaille il n’est pas faisable d’allaiter son enfant au-delà de ses 1 an, puisque la loi prévoit que la mère a droit à 2 × 30 minutes par jour (1 fois le matin et 1 fois le soir) pour tirer son lait au travail, au-delà des 1 ans nous ne pouvons plus … j’y ai été confronté et j’ai dû intégrer du lait de croissance à contre-coeur mais je n’avais pas le choix ! Une évolution de la loi à ce niveau là serait une réelle avancée pour l’allaitement au long terme en France.
En effet, la loi ne favorise pas vraiment la poursuite de l’allaitement en France et il serait bon qu’elle évolue afin de faciliter la tâche aux mères qui souhaitent allaiter aussi longtemps que nécessaire. Néanmoins il demeure possible d’allaiter au-delà d’un an, même lorsqu’on travaille et que notre enfant est confié à d’autres personnes dans la journée. A cet âge, la diversification alimentaire permet en effet à l’enfant d’avoir un autre type d’alimentation pendant les temps où il n’est pas avec sa mère et de réserver les tétées aux moments où il est avec elle (le soir, la nuit, le matin, le week-end…). Sans oublier que l’on peut aussi confier le lait que l’on aura tiré au préalable chez soi aux personnes qui s’occupent de l’enfant durant notre temps de travail afin qu’il puisse également boire notre lait lorsqu’il n’est pas avec nous.