Papa, Maman, depuis que je suis devenue mère, c’est devenu plus compliqué entre nous. Plein de choses jouent, bien sûr, moi qui forge ma vie d’adulte, pas forcément en accord avec ce que vous vouliez pour moi, la distance peut-être aussi, mais surtout, je crois, le fait que je sois devenue mère.Mère, je le suis trois fois. La première fois, ça a déclenché un ouragan chez moi. Dans ma vie, d’abord, mais aussi dans mes souvenirs, mes principes préconçus, dans une grande partie de ce qu’on m’avait appris de la vie en fait. Tu deviens mère et d’un coup tu regardes ton enfance d’un autre œil… Plein de choses te sautent à la figure, et là tu te retrouves face à un magma informe d’émotions diverses.
Une arrivée dans le monde… toute seule
Donc me voilà, avec mon nouveau-né qui grandit chaque jour un peu plus et me confronte sans cesse à de nouveaux questionnements, qui m’amènent de nouveaux souvenirs. Les émotions remontent, la colère, la tristesse, la rancœur. Oui, parce que ce que je choisis de donner à mon enfant, je ne l’ai pas eu, moi. C’est ce que je me dis. Je pense à mon choix d’avoir un accouchement le plus naturel possible, pour vivre à fond ce moment si important dans la vie d’une femme, pour traverser ces heures en toute conscience, avec mon bébé, et ça me ramène à ma propre naissance, où toi, Maman, parce que tu ne supportais pas la douleur, avais été mise sous anesthésie générale par un gynéco qui n’avait pas envie de s’emmerder avec une nana qui panique et qui crie. Et tu avais dit oui. Et quand tu en parlais ça ne semblait pas te choquer, que ça se soit passé comme ça. Normal. On t’a endormie, on m’a sortie aux forceps et tu t’es réveillée quelques heures plus tard (j’allais écrire « années » au lieu d’« heures », c’est dire si le temps a dû me sembler long…) pour me découvrir à côté de ton lit, les yeux ouverts, dans un berceau en plastique. Tu dis que j’étais belle. Tant mieux. Je ne doute pas que pour toi, c’était un beau moment. Je ne peux pas m’empêcher de penser au bébé que j’étais, qui après être sorti de la matrice, s’est retrouvée seule pendant plusieurs heures sans le contact de sa mère. Avant d’être maman, apprendre ça ne m’aurait peut-être pas choquée. Mais aujourd’hui c’est impensable pour moi. Et j’ai de la peine pour le bébé que j’ai été.
Mettre des mots… toute seule
Je pourrais ensuite faire tout le déroulé de ce qui m’est remonté depuis que je suis mère et qui me rend triste et amère. Mais je ne vais pas le faire, on n’est pas au tribunal. En fait, j’aimerais bien, peut-être, poser des mots là-dessus avec vous. Mais j’ai bien compris que ça ne servait à rien. Vous n’êtes pas prêts à entendre. Le peu de fois où j’ai essayé de parler avec vous de mes choix (maternage […]
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