
- Article issu du numéro 88 – La joie
N’avez-vous jamais entendu « Je vais pas vous faire un dessin quand même ! » ? Et si, justement, nous appréhendions des sujets complexes, difficilement abordables, inavouables, et parfois même innommables, par les pouvoirs de la bande dessinée ?
Oui, mais : « Les BD, c’est pour les ados et les adultes qui régressent ! » Évidemment, tout le monde sait que « la BD, c’est pas de la vraie lecture ! », « C’est pour les flemmards ! » ou encore « La BD, c’est franchement pas de la littérature. » Comme nous pouvons le comprendre, la BD n’a pas toujours la cote. Dans ces nombreux clichés, tout porte à croire que la BD n’a rien de bien sérieux à nous apporter. Et pourtant, savez-vous qu’il existe des BD de cuisine, des BD documentaires, des encyclopédies en BD, des romans adaptés en version BD, et bien d’autres types encore ? Il existe même des BD traitant de sujets délicats à aborder uniquement par les mots. Et si, finalement, les BD pouvaient nous apporter bien plus que ce que l’on imagine ?
Les pouvoirs des images
« L’image parle d’elle-même. » Nous touchons là le cœur du sujet. Les images ont cette capacité à être claires et limpides, d’être plus facilement compréhensibles, et donc accessibles, que les mots. De plus, par les images, il est possible de combler la difficulté consistant à trouver le mot juste et universel pour exprimer quelque chose de manière précise. L’expression « Les mots me manquent » prouve bien l’obstacle que l’on peut rencontrer avec les mots. De même, les formes et les couleurs ont un impact important sur notre compréhension des images et donc des idées explorées à travers elles. Concernant les couleurs, savez-vous qu’elles influencent notre façon de vivre et de penser ? Elles seraient faites de lumière et d’énergie ayant un fort impact psychologique et biologique sur nous. Les images permettent vraisemblablement d’apporter des détails de compréhension, de la force au message et une atmosphère particulière. Elles apporteront donc plus qu’un simple mot pouvant être perçu d’une manière ou d’une autre, d’une personne à l’autre. La compréhension ne se base plus uniquement sur une suite de lettres, mais sur un ensemble texte-dessins réfléchi et cohérent. Une belle complémentarité se crée. Dans le cas de la BD, cette complémentarité se met parfois au service de notre apprentissage et ce, de manière ludique.
La lecture n’est pas toujours chose aisée
Trop fatigué pour lire un bouquin ! Pas le temps pour se plonger dans un livre ! Entendons là que la lecture prend trop de temps, qu’il est difficile de reprendre notre lecture, retrouver la ligne où l’on s’était arrêté et se remémorer le fil de l’histoire. Les yeux se perdent d’une ligne à l’autre. Tout se mélange et on relit plusieurs fois le même passage. On peut rencontrer des mots dont la définition exacte peut nous échapper. Parfois, l’apprentissage de la lecture n’est pas suffisamment stable pour se lancer dans de grandes lectures malgré l’envie d’explorer et de comprendre un sujet. Certains sujets nous paraissent trop vastes, trop complexes, inabordables ou encore trop durs émotionnellement. Parfois la lecture, « c’est franchement pas la joie ! ».
La BD au service de la joie
Figurez-vous que la BD balaye tout cela d’un revers de la main. De la main du dessinateur, cela va de soi. Effectivement, nul besoin d’avoir une acquisition de la lecture irréprochable pour pouvoir accéder à la BD, nul besoin de connaître toutes les définitions du dictionnaire, nul besoin d’une concentration extrême pour atteindre les notions aiguisées de certains sujets : la BD se lit toute seule. D’un coup d’œil, on sait où on en est, on sait où on s’était arrêté, on peut facilement se souvenir de ce qu’on avait lu la dernière fois. Indéniablement, la lecture de BD peut se faire bien plus aisément et rapidement que celle des textes seuls (romans, essais…). Et quelle joie que de pouvoir accéder plus facilement à la magie des livres par ce support ! C’est une autre porte pour accéder à l’univers merveilleux de la connaissance.
Partage d’instants de joie accompagnés de BD
Dans le principe, OK, mais dans la vraie vie, cela donne quoi ? Laissez-vous conter une histoire tout en laissant des images venir à vous, imaginez votre propre BD !
« C’est l’histoire d’un papa qui manque de temps pour réaliser tout ce qu’il aimerait, et même ce qu’il doit faire. Un jour, une personne d’importance pour lui lui envoie pour cadeau un roman. À maintes reprises, ce papa a tenté de se plonger dans cette lecture. Cette découverte lui semblait très importante. Mais le temps lui manquait. Et quand il en trouvait, celui-ci était de courte durée et/ou de faible qualité. Alors il reposait sans cesse son livre pour accomplir les diverses tâches du quotidien. Quand il pouvait enfin reprendre son livre, il ne savait souvent plus où il en était, ne retrouvait plus sa ligne. Cela lui prenait du temps, qu’il n’avait pas forcément. Malgré l’envie, il peinait à accéder à ce partage qu’était ce cadeau. Puis un jour, il découvrit le tome 1 de la BD Sapiens, La naissance de l’humanité1. Il s’agissait du roman qu’il tentait inexorablement de lire mais adapté en version BD. Un petit peu de BD par-ci, un peu par-là. Il se balada quelques jours avec sa BD sous le bras, et ce, quel que fut le lieu dans lequel il se trouvait ou l’activité qu’il accomplissait. La moindre minute était prise afin d’avancer dans cette BD. Il était complètement absorbé. Comme cela pouvait être le cas dans son autre vie, celle où il n’était pas encore adulte. Cette vie où il pouvait rester des heures sur un bon bouquin en se couchant à pas d’heure. Quelle joie ce fut pour lui ! Puis ce fut au tour de sa compagne de découvrir les pouvoirs de la BD. Un jour, accompagnée de l’ouvrage Je sais cuisiner, Des recettes simples et épatantes en bande dessinée2, celle-ci découvrit la joie de cuisiner en toute simplicité. Leur jeune enfant, lui, découvrit l’autonomie que pouvaient lui apporter les BD. Effectivement, il souhaitait depuis un moment déjà tout savoir sur l’histoire de l’art. Il entreprit cet apprentissage en s’immergeant dans L’Histoire de l’Art en BD, L’intégrale3. Vous l’avez deviné, ce fut une grande source de joie et de satisfaction pour lui. Quelques semaines plus tard, ils reçurent un jeune cousin qui se demandait ce que pouvaient bien être les violences éducatives ordinaires. Cela lui semblait un peu « tiré par les cheveux ». Ils regardèrent alors ensemble la BD Et si on changeait d’angle4. Celle-ci nous permet, à travers des images simples et parlantes, de se mettre à la place de l’enfant. En mettant en scène, par exemple, un adulte à la place de l’enfant qui n’a pas le droit de sortir de table tant qu’il n’a pas fini son assiette, et cela qu’il ait encore faim ou non. En quelques minutes, le jeune cousin comprit en quoi les violences éducatives ordinaires peuvent avoir un impact considérable sur l’enfant et l’adulte en devenir qu’il est. Suite à cet événement, la maman réalisa à quel point la BD avait le pouvoir de dire simplement ce qui peut parfois être délicat à partager uniquement par les mots. Elle repensa à son amie d’enfance, enceinte de quelques mois. Elle eut l’envie de lui offrir La Parentalité Créative, Guide dessiné de la naissance à 6 ans5 afin de communiquer avec elle, de manière douce et légère, sur cette parentalité. »
À présent, nous ne pouvons plus douter des pouvoirs de la BD. Il n’y a plus rien à ajouter… Ah si, peut-être « Bonne BD à vous ! »
1 Sapiens, La naissance de l’humanité, T1, Yuval Noah Harari, David Vandermeulen et Daniel Casanave, Éditions Albin Michel (2020).
2 Je sais cuisiner, Des recettes simples et épatantes en bande dessinée, Ginette Mathiot et Jeanne-Zoé Lecorche, Éditions Albin Michel (2020).
3 L’Histoire de l’art en BD, L’intégrale, Marion Augustin et Bruno Heitz, Éditions Casterman (2020).
4 Et si on changeait d’angle, Fanny Vella, Éditions Ailes & Graines (2020).
5 La Parentalité Créative, Guide dessiné de la naissance à 6 ans, Catherine Dumonteil-Kremer et Lise Desportes, Éditions First (2020).