
- Article issu du numéro 91 – Être parents dans la tourmente
L’hypnose, l’autohypnose et la transe hypnotique sont « un état modifié de conscience que nous pourrions même définir comme une hypervigilance. Voire d’Éveil ! C’est une disposition physiologique, naturelle, que chacun d’entre nous expérimente toutes les quatre-vingt-dix minutes environ, temps au bout duquel le cerveau a besoin de se mettre “en pause” afin de refaire le plein d’énergie. C’est aussi un moment durant lequel nous sommes absorbés par une action (lecture, conduite automobile, rêverie, activité quelconque…) tout en faisant abstraction de ce qui nous entoure.1 »
L’état de transe hypnotique serait a priori apparu très tôt au cours de l’évolution des hominidés, contribuant ainsi à l’histoire de l’humanité. Nous le pratiquons tout au long de notre vie, depuis notre plus jeune âge, parfois même in utero. Cet état nous permet de défier l’impossible, de nous ouvrir à de nouvelles solutions. Oublions le serpent Kaa et Mowgli dans Le Livre de la jungle. Non, lors d’une transe hypnotique, nous ne dormons pas ! Même s’il est souvent proposé de fermer les yeux et de s’installer confortablement, les neurosciences sont formelles, notre cerveau est bien en éveil. Lors d’une transe hypnotique, nous entendons ce qu’il se passe, pouvons agir, parler, faire des va-et-vient dans l’expérience, et en interrompre le processus à tout moment. Elle n’est pas non plus une sorte de magie par laquelle on pourrait nous faire faire tout et n’importe quoi contre notre volonté. Celle à laquelle nous nous intéressons ici n’est pas non plus l’hypnose de spectacle, qui n’a pour but que de divertir en se jouant de la personne sous hypnose.
Hypnose médicale
Nous parlerons ici d’hypnose médicale, utilisée à des fins thérapeutiques. Nous la retrouvons de plus en plus dans les hôpitaux pour traiter la douleur et parfois même lors d’interventions chirurgicales. C’est une solution simple, non médicamenteuse, naturelle et efficace. La diminution ou absence de douleur lors d’un soin permet de sortir le·la patient·e de la passivité et peut éviter un éventuel traumatisme. L’hypnose médicale est également pratiquée en psychothérapie et particulièrement en pédiatrie : « L’hypnose médicale œuvre discrètement à redonner les clefs de son intériorité au patient, elle le reconnecte avec ses ressources, lui apprend à jouer pour déjouer les blocages et les craintes.2 » L’hypnose connaît aujourd’hui de très bons résultats pour toutes les difficultés pouvant être rencontrées lors du développement normal de l’enfant (probablement intensifiées en ces temps particuliers de pandémie). Elle est adaptée pour les peurs, les angoisses, les phobies, les difficultés relationnelles, les problèmes d’énurésie, de sommeil, l’incontinence fécale, l’onychophagie (se ronger les ongles), les troubles attentionnels, l’hyperactivité, les tics, les tocs, etc. Elle est également efficace lors de situations insécurisantes pouvant perturber l’enfant, comme lors d’une séparation, d’un déménagement, du décès d’un être cher ou d’un animal, etc.
L’enfant et l’autohypnose
L’enfant a un don particulier pour se mettre en autohypnose. C’est ce qu’il fait quand il joue. L’autohypnose de l’enfant se fait bien malgré lui, il est comme « ailleurs ». De par leur facilité à utiliser leur imaginaire, leurs sens et leur créativité, les enfants (comme les artistes), ont une facilité déconcertante à entrer en autohypnose. C’est une ressource naturelle dont l’enfant dispose pour grandir, indispensable à son bon développement. L’enfant s’imbibe de tout ce qu’il vit et perçoit, et ce, depuis qu’il est fœtus, ce qui peut être source de beaucoup de blocages. Étant dans l’incapacité d’exprimer ce qu’il a, n’en ayant pas conscience lui-même, son corps parle. Le « symptôme » que vit l’enfant est un moyen de communication. Lors de la transe hypnotique, le symptôme comme sa cause seront traités, digérés, assimilés. La transe hypnotique va mettre en lumière le « comment aller mieux ? » plus que les « pourquoi ça ne va pas », ne nécessitant aucunement que l’enfant verbalise ses difficultés. Grâce aux « neurones miroirs », l’enfant (qui par essence a besoin de bouger) gardera le mouvement en suivant les actions du héros de l’histoire auquel il va s’identifier, ce qui intensifie les effets de l’expérience.
Comment accompagner l’enfant
S’il est vrai que certains enfants peuvent utiliser très facilement l’autohypnose, d’autres auront besoin d’être guidés par la métaphore. Pour cela, l’adulte accompagnant l’enfant dans l’autohypnose via la lecture ou la création de contes métaphoriques prendra soin de tenir compte du stade de développement de l’enfant, de son état émotionnel, de sa demande, de ses attentes… pour ainsi lui proposer l’auto-
hypnose la mieux adaptée. Cela demandera une grande adaptabilité et créativité de la part de l’adulte. Pour cela, il lui sera nécessaire de se connecter à son enfant intérieur. Cette expérience partagée sera pour l’adulte aussi source d’apprentissage et de bonheur. En adaptant son intonation et ses signes paraverbaux, en utilisant des tournures positives, encourageantes et valorisantes, l’adulte permettra à l’enfant de se sentir suffisamment en sécurité pour s’ouvrir à lui, laissant place à une résonance entre eux (l’enfant « soufflera » la juste métaphore à l’adulte), permettant ainsi de créer un récit métaphorique parfait pour l’enfant à ce moment précis. Il n’y a pas de « formule magique » à part peut-être celle de se connecter à l’enfant, son propre enfant intérieur avec cœur. Le mieux-être de l’enfant se fait souvent dans une approche systémique. Ainsi, un réajustement chez lui en apportera un auprès des autres membres de son système, à commencer par l’adulte accompagnant l’enfant dans son expérience.
L’expérience d’autohypnose
Installé confortablement (assis, debout, allongé, peu importe) dans un endroit à l’abri de toute agitation, les yeux ouverts ou fermés, l’enfant se laissera guider par votre voix, se laissant aller peu à peu dans l’expérience d’autohypnose. Celle-ci se compose de l’induction qui crée une dissociation (être ici et ailleurs en même temps tout en étant observateur et acteur), réelle porte d’entrée pour la transe hypnotique qui, elle, permet à l’enfant d’être plus réceptif au changement qu’il va s’offrir lors de l’expérience, avant de faire place au retour, durant lequel il y aura une réassociation (revenir ici et maintenant). C’est aussi à ce moment où des suggestions peuvent être faites pour que l’enfant reste en contact avec les ressources qu’il a mises en lumière lors de son expérience. À la fin de la séance, il se peut qu’il se sente un peu « flottant », il est recommandé qu’il s’étire et fasse quelques pas avant de reprendre le cours de ses activités. Il est également préférable d’éviter toutes les activités demandant de l’attention dans la demi-heure qui suit la séance. L’enfant pourra ressentir une grande détente, un apaisement. Parfois, il se sentira fatigué (un travail s’opère donc). Dans de rares cas, les symptômes seront comme amplifiés à la sortie de l’expérience. Cela signifie que les choses « bougent ». L’enfant se raccroche au symptôme avant de le lâcher définitivement. Quoi qu’il en soit, rassurez-vous, l’enfant enregistrera uniquement ce qui est bon et utile pour lui afin de le réutiliser plus tard si besoin. Et si « rien » ne se passe, sachez que ce n’est pas le cas, votre enfant via ce temps que vous lui accordez comprend combien il compte pour vous. Plus l’enfant vivra des moments d’autohypnose, plus il aura de l’aisance à la pratiquer. L’autohypnose deviendra pour lui bien plus qu’un moment de retrouvaille avec lui-même, une nouvelle façon d’être, intégrée pour toute sa vie. « Ainsi, préparer son enfant à la vie, c’est presque comme en accoucher une seconde fois, l’installer en pilote de sa vie en pariant sur la beauté de celle-ci.3 »
1 Contes pour grandir : 10 histoires thérapeutiques pour libérer la parole et les émotions et réenchanter le quotidien à partager ‒ avec les enfants de 3 à 7 ans, Claire Bourrouillou, Éditions First (2021), p. 10.
2 L’Autohypnose ‒ facile et ludique ‒ pour l’enfant et ses parents, Pascale Chami, Éditions Le courrier du Livre (2020), p. 20.
3 Ibid., p. 233.