
- Article issu du numéro 92 – Nature, terre de jeux
Avant la naissance de ma première fille, je ne m’étais jamais vraiment posé la question de savoir où elle allait dormir. Une petite chambre, patiemment décorée, l’attendait à côté de la nôtre et je me souviens m’être inquiétée de savoir si elle serait prête à temps pour sa naissance. Cependant, à peine mon bébé s’est-elle retrouvée dans mes bras que je savais déjà qu’il serait pour moi inconcevable de la laisser dormir loin de moi… et la petite chambre est restée vide un certain temps !
Les premiers temps, ma fille n’a cependant pas réellement dormi dans mon lit, bien que tout à côté. L’idée même du cododo m’était inconnue et j’avais peur de l’étouffer sous la couette. Je ne compte cependant pas les fois où elle s’endormait dans mes bras après la tétée et où je somnolais à demi assise, la serrant contre moi. Solution qui n’était guère satisfaisante et qui n’a pas duré.
La voix du cœur contre un modèle sociétal bien ancré
Je me rappelle avoir lutté contre cette petite voix en moi qui me répétait de la laisser dormir avec moi. Lutte épuisante et frustrante pour nous deux. Lutte directement liée à un schéma sociétal qui ne me convenait guère et sur lequel je me suis ensuite longtemps interrogée. Mais d’où vient au juste cette idée qu’il ne faut surtout pas qu’enfants et parents partagent le même sommeil ? Pourquoi notre société véhicule-t-elle cette vision si rigide du bébé s’endormant seul, à l’écart de tous et si possible d’une seule traite ? Combien de fois ai-je laissé ma fille s’endormir au sein en me disant « qu’il ne fallait pas » ? Combien de fois ai-je lutté contre moi-même en essayant (sans succès !) de la poser endormie, loin de moi car il « le fallait » ?
Ma fille, cependant, avait besoin de s’endormir contre moi, et a toujours besoin de me rejoindre au milieu de la nuit et, grâce à elle, j’ai appris à écouter cette petite voix intérieure qui me disait de ne pas lutter en cherchant à me conformer à des idées que mon cœur de maman refusait au fond de lui. Elle m’a appris, elle m’apprend toujours, à me questionner sur cette manière si étrange qu’a notre société de vouloir, dès la naissance, imposer à l’enfant une distance entre lui et ses parents, une distance qui est loin d’être naturelle mais que l’on veut pourtant nous faire croire essentielle. Quand, pourquoi et comment cela est-il arrivé ?
D’un lit à l’autre
Pour mes enfants […]