
- Article issu du numéro 86 – Nous, les enfants
Bien que la transidentité existe depuis la nuit des temps, elle n’a pas toujours été acceptée par notre société. Aujourd’hui encore, même si elle est mieux représentée, beaucoup de personnes la considèrent comme étant anormale ou la comprennent mal, souvent par manque d’information sur le sujet.
La transidentité (à ne pas confondre avec le travestissement), c’est quand l’identité de genre de quelqu’un n’est pas en adéquation avec le genre qu’on lui a attribué à la naissance. Le mot « transgenre » s’oppose par définition au mot « cisgenre ». La majorité de la population est cisgenre : on estime qu’entre 0,3 et 1,6 % de la population occidentale est transgenre.
Le genre, une construction sociale ?
On a souvent tendance à confondre les termes « sexe » et « genre ». En effet, si le sexe est un ensemble de caractéristiques biologiques, le genre est purement social : pour reprendre Simone de Beauvoir « on ne naît pas femme, on le devient, de même on ne naît pas homme1 ». Ainsi, le genre est quelque chose de culturel : il n’est pas inné et se développe en suivant les processus de socialisation (l’imitation, l’injonction et l’interaction). Par ailleurs, on remarque que la notion de genre et les rôles qui en découlent peuvent être très différents d’une culture à l’autre. Le genre ne dépend donc pas du sexe de naissance, contrairement à ce que l’on pourrait penser.
Le « coming out » : une épreuve difficile
Faire son coming out, sortir du placard, bref, annoncer son identité de genre est particulièrement compliqué pour un.e enfant ou adolescent.e transgenre, que l’on ait une famille ouverte ou pas, tout simplement par peur de l’incompréhension et du rejet de son entourage. En effet, la transidentité est plus méconnue que l’homosexualité : il y a très peu de représentation des personnes transgenres dans les médias, et le peu que l’on peut trouver est souvent négatif, on ne sait donc jamais comment la personne en face va réagir.
La dysphorie de genre et ses différentes formes
La dysphorie de genre (en opposition à « euphorie »), c’est l’inconfort que ressentent la plupart des personnes transgenres sur le plan physique et/ou social et qui apparaît souvent à la puberté, parfois avant. On la compare souvent à la sensation d’être enfermé.e dans le mauvais corps, mais chaque personne la ressent différemment. La dysphorie peut aussi être provoquée lorsqu’on utilise le « deadname » (le prénom de naissance, dans le cas où un autre prénom a été choisi) ou que l’on mégenre quelqu’un. Le seul moyen de réduire cette dysphorie, c’est la transition de genre.
La transition
En général, pour remédier à la dysphorie, les personnes transgenres « transitionnent ». Quand on parle de transition, on pense souvent à la transition médicale (prise d’hormones et opérations chirurgicales), qui peut paraître très effrayante ; mais en réalité, la transition commence dès le coming out : l’utilisation d’un nouveau nom, de nouveaux pronoms… tout cela en fait partie. D’ailleurs, certaines personnes transgenres décident de ne jamais transition-
ner médicalement, ce qui ne les rend pas moins légitimes !
Comment accompagner et aider un.e enfant transgenre ?
La première étape serait probablement d’arrêter de partir du principe que tous les enfants sont cisgenres, et de dégenrer l’éducation. En effet, il serait alors beaucoup plus facile pour un.e enfant transgenre de comprendre son identité ; et dans le cas d’un.e enfant cisgenre, il/elle bénéficiera d’une grande ouverture d’esprit.
Si votre enfant vous dit qu’il/elle est transgenre, la meilleure réaction est de l’écouter et de le/la prendre au sérieux : il/elle a avant tout besoin de votre soutien. Posez-lui des questions, écoutez ce qu’il/elle a à dire, faites des recherches sur le sujet… (et si il/elle ne veut pas en parler, c’est son choix aussi !) Peut-être penserez-vous d’abord que ce n’est qu’une phase, qu’il/elle est trop jeune pour savoir, mais c’est probablement quelque chose à laquelle cet.te enfant pense depuis longtemps ; et quoi qu’il en soit, nos phases restent des parties importantes de notre vie ! Ce n’est pas parce qu’une chose n’est pas définitive qu’elle n’existe pas et qu’elle est sans valeur. Si votre enfant n’est pas encore entré.e dans la puberté, la transition n’est pas très compliquée : peut-être demandera-t-il/elle d’utiliser un autre prénom et d’autres pronoms. Laissez-le/la s’habiller comme il/elle le veut, se couper/se laisser pousser les cheveux… Bien que cela puisse sembler difficile, cela l’aidera énormément, et ce n’est ni dangereux ni irréversible !
Et pour les adolescent.e.s : hormones, binder…
Une fois la puberté atteinte, de nouvelles possibilités s’offrent aux personnes transgenres pour avancer dans leur transition. À partir de 16 ans, et avec l’accord parental, on peut commencer à prendre des hormones (testostérone ou œstrogène). Il existe aussi des vêtements créés spécialement pour les personnes trans : par exemple, une personne assignée fille peut utiliser un binder2. Cette partie de la transition peut être plus difficile à envisager car ce sont des changements plus définitifs ou potentiellement risqués (le port prolongé du binder peut entraîner des séquelles).
Les idées reçues
- « C’est juste une mode »
Avez-vous l’impression que le nombre de personnes transgenres a augmenté dernièrement ? En réalité, la transidentité est simplement plus représentée qu’avant. Les enfants et adolescent.e.s transgenres ne décident pas d’être trans pour attirer l’attention ou pour suivre une mode ; qui choisirait de subir de telles discriminations quotidiennement ? - « Je vais perdre mon fils/ma fille »
En général, cette phrase révèle une peur du changement. Mais quand votre enfant fait son coming out, il/elle reste exactement la même personne ; vous le/la connaissez juste mieux et êtes plus en mesure de l’aider. Dites-vous plutôt que c’est une occasion parfaite pour parler avec votre enfant et apprendre de lui/elle ! - « Pour être trans, il faut l’avoir toujours su »
On peut découvrir que l’on est transgenre à n’importe quel âge, que ce soit à 4 ans ou à 40 ans. En effet, la dysphorie n’apparaît pas au même âge pour toutes les personnes trans ; certaines la subissent à partir de la puberté, d’autres avant. Et d’autres personnes ne comprennent leur transidentité que bien après, et il n’est jamais trop tard pour transitionner ! - « Mais tu as toujours été très féminine/masculin »
Les hommes ne sont pas toujours très masculins, les femmes ne sont pas toujours très féminines et les personnes non-binaires ne sont pas toujours très androgynes, qu’ils/elles soient transgenres ou pas. La féminité et la masculinité sont des concepts sociaux qui évoluent avec le temps, et ils ne déterminent ni n’influencent le genre d’une personne : les premiers à porter des chaussures à talons étaient des hommes !
Un garçon transgenre peut aimer porter des robes et se maquiller, cela ne changera rien à sa transidentité. - « 41 % des personnes transgenres ont déjà tenté de se suicider »
Les transphobes utilisent souvent cet argument pour affirmer que la transidentité est une maladie mentale. Or, bien que ce chiffre soit malheureusement exact, les personnes concernées ne tentent pas de mettre fin à leur vie à cause de leur transidentité en elle-même mais à cause des discriminations et du rejet qu’elle engendre ; la meilleure solution pour réduire ce chiffre est d’accepter les personnes trans telles qu’elles sont. L’accompagnement des parents est donc très important : avoir un enfant transgenre peut s’avérer effrayant, mais le meilleur moyen de le/la protéger est de l’accepter comme il/elle est et non de nier son identité.
Merci à Rebecca, Liam, Eliott et Sacha qui m’ont aidée à écrire cet article.
1 Le Deuxième sexe, Simone de Beauvoir, Éditions Folio (première édition 1949).
2 Binder : vêtement s’apparentant à une brassière dont le but est de masquer la poitrine.
Sources : Théorie du genre, cours universitaire publié par l’UNESCO ; wikitrans.com ; cestcommeca.net