© Jenny Balmefrézol-Durand

Nombreuses sont les femmes qui, dans leur vie, vivent une IVG1 ou une IMG2. Malheureusement, les professionnels de santé chargés de ces interventions sont souvent débordés et même agacés par leur quotidien, la hiérarchie et autres paramètres professionnels, et cela ne les rend pas toujours doux et à l’écoute. Bien des femmes vivent cette intervention de manière douloureuse et traumatisante et elles auraient besoin d’un véritable accompagnement pratique et émotionnel.

Les raisons pour lesquelles une femme peut être amenée à vivre un avortement sont nombreuses et personnelles. Une chose est sûre, ce n’est pas un moment facile et l’impact psychologique est difficilement mesurable. Prendre la décision, trouver la marche à suivre, se faire ausculter et vivre le protocole final peut être très dur à supporter, d’autant plus si l’on est seule. Heureusement, cette épreuve peut être accompagnée par des personnes bienveillantes, à l’écoute et détenant des informations facilitant le chemin.

Une doula à mes côtés3

Les doulas sont souvent évoquées dans Grandir Autrement car elles accompagnent les femmes et les familles dans leur chemin de parents. Elles interviennent en pré-conception, pendant la grossesse, l’accouchement et aussi pour les premiers mois avec Bébé. On le sait moins, les doulas sont aussi formées à l’accompagnement des interruptions de grossesse. Elles sont des présences rassurantes et englobantes, elles sont des guides sur ce chemin parfois semé d’embûches.

Cécilia avait 19 ans quand elle a vécu une IVG. Cette décision fut difficile mais sa situation à l’époque était trop bancale pour elle et pour son conjoint qui ne se sentait pas prêt. « C’était comme si j’allais tuer une partie de moi-même. J’avais l’impression que je ne m’en remettrais jamais. J’aurais tellement aimé garder cet enfant et le voir un jour sourire dans mes bras. Cette décision était purement intellectuelle et mon cœur me disait le contraire. J’avais honte de me retrouver dans une telle situation. Faire la démarche de prendre un rendez-vous était pour moi insurmontable. Une amie m’a parlé des doulas alors j’ai contacté Amélie. Elle a pris en main tout ce que je n’arrivais pas à faire. Elle a été à l’écoute, sa présence suffisait à me rassurer. Elle a aussi trouvé sa place auprès de mon compagnon qui ne comprenait pas très bien ma réaction. Pour lui les choses étaient plus simples car il ne les vivait pas dans son corps. Grâce à Amélie, il m’a comprise. »
Jeune maman, Madeleine a eu un retour de couche précoce malgré l’allaitement. « Lorsque j’ai fait le choix d’interrompre ma grossesse, j’ai demandé à Jenny, qui avait été ma doula pendant ma grossesse précédente, de m’accompagner pour mon rendez-vous à l’hôpital. Sa présence a été importante pour moi car la gynécologue n’a eu aucun tact. Le plus difficile fut de trouver un professionnel qui accepte de pratiquer une IVG avant que les cellules cardiaques ne commencent à battre (ce qui était important à mes yeux). Devoir me confronter au ‘‘protocole’’ médical qui n’écoute pas l’humain et ses besoins fut une rude épreuve. Durant ces quelques semaines en présence de cette petite âme qui souhaitait s’incarner, il était important pour moi de lui dire que je l’aimais profondément malgré ce choix. Je voulais qu’elle se sente reconnue et non rejetée. »

IMG : quand la grossesse ne peut pas continuer…

« J’ai vécu une IMG à quatre mois de grossesse. Voilà que cet enfant que l’on avait attendu si longtemps nous quittait déjà. Comment j’allais pouvoir l’accepter sans rester pour toujours dans la frustration et la colère ? Mon mari ne pouvait rien pour moi, le pauvre, je ne voulais plus qu’il me parle, plus qu’il me touche. J’en voulais à la terre entière ! Depuis un mois nous avions pris contact avec Virginia, une doula. Tout à coup sa présence est devenue essentielle. Elle m’a supportée alors que je râlais, criais, pleurais, elle était toujours là, avec tout son amour. Même quand elle n’était pas avec moi physiquement, elle était présente par la pensée ou par des textos chaleureux. Elle m’a proposé des rituels qui m’ont permis de vivre cette séparation avec plus de douceur et même avec magie. Elle m’a encouragée pour que je prenne le temps de dire à mon bébé tout ce que j’avais sur le cœur. Nous avons chanté, célébré, nous avons même ri et remercié ! Deux ans plus tard, je suis devenue mère et j’ai eu le bonheur d’être accompagnée par Virginia qui est la marraine de notre petite Lucie. »

Rituels pour accompagner et transcender cette étape

Ritualiser un moment, c’est mettre une intention et prendre un temps conscient pour vivre pleinement celle-ci. Un rituel peut être long et demander de l’organisation mais il peut être aussi d’une grande simplicité. Voici quelques idées qu’il ne faudra pas hésiter à vous approprier et à modifier à votre guise sans vous juger.

Une bougie pour te dire au revoir

Le feu, sa lumière, sa chaleur et sa symbolique trouvent souvent leur place dans les rituels. Vous pouvez allumer une bougie avec une intention. Vous pouvez lui parler et lui demander d’emporter avec elle tout ce que vous ne voulez plus : la peur, la tristesse, la culpabilité, etc. Vous pouvez, par son intermédiaire, parler avec votre bébé, lui expliquer son histoire et la vôtre. Laissez venir les émotions, si vous avez envie de pleurer, de chanter, de sourire… Quand la bougie aura brûlé entièrement, le rituel sera fini.

Des mots et des images sur notre histoire

Il est toujours bon d’exprimer ses émotions. L’écrit est souvent profond et libérateur. Vous pouvez écrire des mots les uns à la suite des autres, ou faire des phrases, écrire un poème, etc. Vous pouvez également dessiner et peindre (ça peut être avec le sang qui s’écoule de votre corps si c’est après l’intervention). N’hésitez pas à être créative et à laisser parler votre inconscient. Ensuite, vous pourrez brûler le tout, le conserver comme un trésor, l’offrir à la terre, ne soyez pas pressée, faites-vous confiance et écoutez votre intuition.

Un chant pour ton envol

Que vous vous estimiez bonne chanteuse ou non, cela n’a pas d’importance. Choisissez un chant, peut-être un connu qui fait écho à votre histoire, ou seulement des sons, des mots, qui viendront de vos entrailles. Accompagnez-vous, si vous en avez envie, d’un tambour, d’un bol tibétain, d’un bâton de pluie. Faites-le seule, avec votre conjoint ou votre doula, votre mère, à vous de décider si ce chant doit être partagé. Le chant est vibratoire, il libère et invite à vivre les émotions de manière complète car il mobilise le corps et l’esprit.

Comment t’appelles-tu ?

Pour certaines femmes, donner un nom à leur bébé, même s’il n’a que quelques semaines, est très important. Car l’idée n’est pas d’oublier le plus vite possible. À présent, cette histoire est la vôtre et le restera pour toujours. Même si vous décidez de ne jamais en parler, ça peut être une belle chose que de nommer cette âme, pour vous et peut-être pour le reste de la famille.

Planter un arbre

Après l’interruption, si vous pouvez récolter le sang et plus, vous pourrez, si vous le souhaitez, faire un rituel, le déposer dans un coin de nature ou planter un arbre. Cet endroit restera un lieu de connexion avec votre bébé, avec votre histoire. Vous pourrez y retourner, y méditer, y chanter, y danser…

Des années plus tard

Si vous avez vécu une IVG ou une IMG il y a longtemps et que l’idée du rituel vous parle, n’hésitez pas à en faire. L’intention, le centrage vous serviront de base et pour le reste votre cœur vous guidera, que ce soit pour refermer ce passage ou pour le célébrer.

Le soin rebozo1

Le soin rebozo est un rituel de passage adapté à un tel événement. C’est un soin féminin qui vise à purifier et à refermer une étape pour s’ouvrir à une autre. Après un massage à quatre mains et un temps de sudation, la femme est serrée et desserrée par une écharpe (le rebozo) sur sept points clés du corps pour renaître à elle-même.

1 Voir l’article « Le soin Rebozo » dans le numéro 77 de Grandir Autrement.


1 Interruption volontaire de grossesse.
2 Interruption médicale de grossesse.
3 Pour trouver une doula, il existe un annuaire officiel des doulas certifiées : https://doulas.info/annuaire/ mais elles ne sont pas toutes recensées. En cherchant sur Internet, vous saurez sûrement s’il y en a une dans votre région.

Pour aller plus loin

Le Non désiré, Rencontre avec l’enfant qui n’a pas pu venir…, Daniel Meurois, Éditions Le Passe-Monde (2014).

Ardéchoise d'adoption, j'habite avec ma famille en pleine nature dans une petite ferme traditionnelle. Je suis une Maman-Passion de trois enfants. Je vis un quotidien passionnant et rebondissant entre le travail à la ferme (agriculture biologique, permaculture), l'instruction en famille en unschooling, mon activité de doula, énergéticienne, d'art-thérapeute et l'écriture. Notre ferme est un lieu de vie et d'expérience où le projet est de relancer des savoir-faire ancestraux et vivriers dans le but d'une acquisition d'autonomie et de partage. Nous nous intégrons dans un réseau solidaire de nombreuse familles ardéchoise que se soit pour la paysannerie, la parentalité bienveillante ou l'IEF. Nous militons au quotidien par notre mode vie, nous sommes engagés pour un « mieux vivre » et ensemble de préférence!

1 COMMENTAIRE

  1. Merci pour ce bel article. J’ai moi-même êcrit un livre dans lequel je parle de ma relation avec cet enfant qui n’a pas pu venir. Il a été le précurseur de mon chemin d’éveil spirituel et m’a permis une grande évolution et un cheminement heureux quant à mes choix de naissance pour mes autres enfants. Cet enfant-là a un prénom et chacun des membres de la famille connaît son histoire. Notre connexion sensible est restée très présente et infiniment précieuse, dans mon désir de transmission de femme à femme.
    Anne L. Auteure du livre “Ma promesse à un papillon blanc” sur la librairie en ligne de BookÉditions.

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