© CJ de Pixabay

J’ai 44 ans, et je vis avec mon mari et ma fille Capucine, âgée de 12 ans. J’ai été opérée d’une tumeur du sein gauche fin août 2021, et j’ai commencé en octobre un protocole de soins préventifs visant à éviter une récidive (chimiothérapie – j’en suis ici – suivie de radiothérapie et d’un traitement « anti-hormonal » pendant cinq ans).
Je témoigne, dans le but de partager mon expérience jusqu’au moment de l’annonce de la maladie à notre fille : quel a été ce parcours de vie avec elle ? Quels mots l’ont accompagnée ? Quelles postures avons-nous prises ? Quels ont été nos appuis ?
Vous êtes prêts ? C’est parti !

Dans notre « fonctionnement familial », nous nous attachons à ne pas « brider » la communication. Notre fille, en pleine traversée de l’adolescence, continue à poser les questions qui la taraudent, sans craindre de jugement. Tous les sujets de conversation sont accueillis, y compris celui de la santé.

Elle était donc au courant, en ce début de congés estivaux de l’été 2021, que j’allais effectuer une mammographie (à cette étape, n’ayant aucun symptôme, je ne savais pas encore que j’avais une tumeur cancéreuse). Elle ne s’en souciait pas plus que s’il s’agissait d’une consultation « ordinaire ». Elle savait en quoi cet examen consistait car j’en avais déjà fait une à 40 ans, mais un rappel a été fait au moment d’un repas, suite à une question de sa part (Comment ça se passe une mammographie ?)

Pour répondre, nous avons utilisé des mots simples et illustré notre propos avec des gestes (les mains faisant fonction d’appareil). Ceci a eu pour effet immédiat que chacun exprime son ressenti : pluie d’onomatopées et rires partagés garantis ! Nous avons mis en avant le côté préventif de la mammographie et fait en sorte d’adopter une attitude positive. Octobre rose s’est invité à la table.
Pour celles et ceux qui me lisent et qui se sont dit quelque chose comme « tout ça c’est bien joli, mais quels ont été vos mots ? », nos propos ont dû ressembler à cela (en moins bien, car en écrivant, on fait toujours de plus jolies phrases !) :

« La mammographie, tu te rappelles, c’est une radio de la poitrine [notre fille a déjà fait des radios]. J’en ai déjà fait une à 40 ans. Ça permet de voir s’il y a des petites grosseurs au niveau de la poitrine. Tu peux t’imaginer la grosseur comme une petite boule. Le plus souvent, il n’y en a pas. Mais quand il y en a, on vérifie si cette petite boule est “maligne” ou pas. Maligne, ici, ça veut dire “méchante”.
Si cette petite boule n’est pas embêtante (moi, j’ai su que j’en avais au sein gauche à ma première “mammo”, elles sont remplies d’eau), alors on la laisse tranquille. C’est très souvent comme ça. Mais si elle est maligne, alors les médecins savent comment lui régler son compte. »
Puis nous avons changé de sujet de conversation après s’être assurés qu’elle n’avait plus de questions et qu’elle savait qu’elle était libre de revenir sur le sujet si nécessaire.

La première embûche

La nécessité d’effectuer une biopsie suite à la détection d’une grosseur « suspecte » au niveau du sein gauche lors de la mammographie a été annoncée en reprenant les termes de notre première conversation. Cap de la « positive attitude » maintenu mais sans mensonge. Les traitements ont été évoqués, sans s’alourdir sur le sujet.
Et la vie a repris son cours. Le temps entre chaque examen est anxiogène mais c’est aussi une précieuse occasion de prendre le recul nécessaire. Je suis en forme, c’est les vacances, alors on profite. Et on prend le temps de prévenir notre entourage.

Le premier dénivelé

Ma fille est à la maison avec mes parents. Je suis accompagnée de mon mari. C’est l’annonce. Celle du médecin qui, avec beaucoup de bienveillance, vous explique que des cellules cancéreuses sont présentes dans le prélèvement et qui, même si elle fait de son mieux pour vous rassurer, vous assène un véritable coup de massue.
On encaisse devant le médecin, puis on s’effondre tous les deux : moi dans le « tunnel » du scanner, mon mari, qui m’attend dehors – Covid oblige – dans la voiture. Chacun son abri pour se protéger tant bien que mal de tous les sentiments qui nous assaillent, des résurgences douloureuses que ce mot ravive dans nos expériences personnelles.
Puis on se retrouve, et on se relève : focus sur les « bonnes nouvelles » (tumeur pas « agressive », détection précoce, pas de métastases), et les solutions (on va l’enlever).

On avance, la pente semble moins ardue…

Voici les mots qui ont dû être les miens à mon retour (en m’adressant à ma fille, je me suis par ricochet adressée aussi à mes parents) :
« Ma chérie, le docteur (c’est une dame) nous a dit que c’est une grosseur maligne, on appelle ça une tumeur cancéreuse. Mais elle n’est pas trop grosse ni trop méchante. Elle est là (geste), mais elle ne fait pas de mal au reste de mon corps. On va prendre un rendez-vous avec un chirurgien qui va l’enlever. Ce sera le même que celui de la cheffe de papa. Il va me donner son nom tout à l’heure pour que je l’appelle. Tout va bien se passer.
Le docteur a dit qu’il faudra que je fasse de la radiothérapie après. C’est un peu comme le rayon laser des porte-clés [on pioche dans l’univers qui fera sens à notre enfant, ce qui peut donc aussi être celui de la fiction – Star Wars, un animé, un jeu vidéo…]. Quand on aura enlevé la tumeur ça va finir de “nettoyer”. »

Je suis à mi-chemin….

Ma fille ajoutera (mes parents sont partis) :
« Mais Maman, je voulais te demander : c’est un cancer que tu as alors ?
– Oui, une tumeur cancéreuse, ça veut dire un cancer.
– Comme papi T. ?
– Oui pour le nom de la maladie, mais tous les cancers ne sont pas les mêmes, et ne se soignent pas de la même façon. Il y en a des plus difficiles à soigner que d’autres. Celui de ton papi T. était très difficile à traiter, mais pour celui de papi R., il n’y a pas eu besoin de traitement. »

J’arrive bientôt en haut de la pente…

J’ajoute :
« Tu connais plein de personnes qui ont eu un cancer du sein comme moi et qui vont très bien aujourd’hui.
– Ah oui ? Qui, Maman ? »
Et j’énumère une liste de cinq personnes, avec les traitements qu’elles ont eu.

Plus que quelques pas…

« Est-ce que tu vas faire de la chimio ? Est-ce que tu vas perdre tes cheveux ?
– Ce sont les docteurs dont c’est le métier qui vont décider de ça. Pour l’instant, la dame qu’on a vue ce matin, qui est médecin, nous a parlé de radiothérapie. On peut leur faire confiance, ils savent comment faire. Tout va bien se passer, et moi je vais pas me laisser faire ! »

Je suis arrivée…

De là-haut, je regarde ma fille, qui joue dehors avec une voisine. Le soleil illumine le ciel. Une douce brise agite les fleurs. Le chant des oiseaux accompagne ce ballet. Je contemple le moment présent, je souris à la vie. Nous tiendrons régulièrement à notre fille ces propos, aussi souvent qu’elle en aura besoin. Ils s’enrichiront d’autres éléments, au fil des questions, des joies et des embûches du chemin parcouru ensemble. D’autres dénivelés nous attendent, mais nous sommes confiants.

La fin de cette étape

Dans mes propos, j’ai souvent utilisé le « nous », car en ce qui me concerne, le chemin s’arpente en équipe.
Ma fille a pour prénom celui d’une fleur. Aussi, pour illustrer ce parcours de vie, imaginez que vous êtes au cœur de cette dernière avec votre plus proche cercle (il peut s’agir de votre compagnon/compagne, mari/femme et vos enfants, un autre membre de votre famille, un ami…). Autour de vous, sur chaque pétale, se trouvent tous ceux qui vous soutiendront, vous « ressourceront » (cercle familial élargi, ami(s), collègue(s), équipe soignante – service d’oncologie avec votre oncologue, les infirmières, les psychologues, les esthéticiennes notamment, mais aussi les infirmières à domicile, votre médecin traitant, votre pharmacien -, votre coiffeur, vos voisins, un acupuncteur, un(e) energéticien(ne)… sans oublier vos animaux – on pratique la ronron thérapie puissance trois à la maison !). Imaginez enfin, sur cette fleur, que des papillons ou des abeilles s’invitent, semeurs des graines de vie (vos lectures1, vos loisirs – même réduits -, des gourmandises, un coucher de soleil…).

Dans cette dynamique où le lien est le maître-mot, malgré les doutes, les imprévus, cette fleur se nourrira chaque jour. Vous la verrez fleurir le long de votre chemin, elle le teintera de mille couleurs, peut-être aussi chatoyantes que celles évoquées par le prénom de ma fille.


1 Côté lecture, La Tresse, de Laetitia Colombani, publié aux éditions Bernard Grasset, est un roman où rayonnent notamment les thématiques du lien, de la résilience, de la maladie. Juste transcendant !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.