
- Article issu du numéro 92 – Nature, terre de jeux
Prenez un bébé, habillez-le de blanc et confiez-le à un premier groupe en prétendant que c’est une petite fille. Vous entendrez aussitôt des « Oh, qu’elle est gracieuse ! Qu’elle est belle, mignonne ! » Tous ceux qui se pencheront sur son berceau auront des réflexions sur sa beauté, sa douceur ou son sourire. Passez maintenant le même bébé à un autre groupe en prétendant que c’est un garçon. Le même bébé devient alors, aux dires de tous, « vigoureux, bien portant, tonique » et plus encore. C’est ce que démontrait l’étude de 1976 de Condry et Condry1.
Autrement dit, dès les premiers instants de vie, notre environnement social conditionne ce qui est perçu de nous et le regard sous lequel nous nous développons, c’est-à-dire ce que la société attend de nous. Loin d’être neutre, l’influence de ces remarques et attentes colore déjà notre développement individuel d’un sexisme tout ordinaire, hétérocentré et stéréotypé. Par conséquent, dès tout petit, un enfant est déjà conditionné par la culture dans laquelle il va grandir.
Culture versus Nature ?
Si à peine nés, nous sommes formatés par la culture dans laquelle nous venons au monde, à quel moment, concrètement, peut-on parler de notre nature ?
Certains tenteront l’argument des cultures primitives ou plus traditionnelles, moins « technologisées », de l’Afrique ou de la Papouasie. Cependant, à bien y regarder, tenir une culture pour plus « naturelle » est profondément raciste. Il n’existe pas d’humains « sauvages » à comparer en bien ou en mal à des humains « civilisés ». La simple idée de mettre en balance des façons de faire différentes interpelle le bon sens et l’ouverture d’esprit.
Prenons l’exemple de l’alimentation. Vous entendrez tout et son contraire en termes de conseils diététiques, du régime paléo au véganisme, tous avanceront l’argument du régime le plus adapté à notre « nature », éminemment justifié par des études scientifiques et des éléments anatomiques. En effet, manger cru permet le développement d’une partie du microbiote intestinal qui va de pair avec un bon système immunitaire. Le véganisme se justifie par notre place dans la famille des grands primates : tous végétariens. Les adeptes de steaks vous parleront d’instinct de chasse, de canines et d’yeux reportés à l’avant de la face comme les prédateurs. La conclusion ? Nous sommes indubitablement omnivores.
Nous pouvons survivre dans toutes les régions du globe, de la plus glacée à la plus aride, et adapter notre régime alimentaire à notre environnement et ses […]