
Bien que très en vogue aujourd’hui, c’est pourtant en 1965 au Canada que le premier jardin d’enfants d’immersion linguistique, soutenu alors par le gouvernement canadien et des universités, voit le jour, d’après Jean Petit1, professeur à l’Université de Reims, auteur de l’ouvrage L’Immersion, une révolution2. Le succès de ce principe lui a valu d’être ensuite exporté en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne et en France. Tout l’intérêt d’immerger les enfants très tôt dans une langue autre que leur langue maternelle vient du fait que le très jeune enfant est naturellement doté de capacités d’acquisition linguistique exceptionnelles, notamment sur le plan de la phonétique et de la morpho-syntaxe, rendant l’apprentissage d’une langue plus facile à ces âges. Toutefois, plusieurs conditions sont nécessaires pour que celle-ci se mette en place. Tout d’abord, il faut que l’enfant soit exposé à la langue de façon intense afin qu’il mette en place des « stratégies naturelles de type perceptuel (repérage des éléments les plus fréquents et les plus saillants)3», autrement dit il faut répéter souvent et baliser le temps avec des phrases clés que l’enfant pourra intuitivement repérer, c’est-à-dire en en saisissant le sens d’après le contexte, telles que « bonjour, comment ça va ? », « c’est l’heure de l’histoire », « rangeons les affaires » dans la langue à apprendre afin d’en rendre l’apprentissage plus naturel. Ensuite, tout l’intérêt de l’immersion est que la langue n’est pas abordée frontalement, avec des cours de grammaire, par exemple, mais de façon instrumentale : c’est la langue qu’on utilise pour parler de nous, des autres, raconter une histoire, jouer ou faire des maths. Le cerveau va ainsi identifier la langue comme étant utile dans tous les domaines (jeux, apprentissages, communication) et donc se l’approprier de façon optimale. Comme il n’est pas question d’apprendre la langue à travers des tableaux de conjugaison, cette forme d’apprentissage est donc accessible aux tout-petits et ceux qui ne possèdent pas l’écrit.
Par conséquent, dans les écoles immersives, l’apprentissage dans la langue (des autres matières) aura l’avantage sur l’apprentissage de la langue elle-même, favorisant des stratégies intuitives et inconscientes plutôt qu’un apprentissage formel. Ce n’est que lorsque l’enfant aura acquis une maîtrise suffisante de la langue qu’on introduira l’étude de cette langue comme matière d’enseignement. Le français, lui, ne devrait pointer le bout de son nez sur les emplois du temps qu’à partir du CE1. En France, à l’heure actuelle, cette technique d’enseignement de la langue est notamment utilisée en maternelle et primaire dans des écoles associatives ou publiques œuvrant pour la promotion des langues régionales telles que le […]